Alan Türing (23 juin 1912 - 8 juin 1954)

Türing est une des grandes figures du XXiè siècle dont la mémoire n'a été que récemment réhabilitée. Il est pourtant le père des ordinateurs modernes, au moins pour leur partie théorique. Sa contribution à la victoire des alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale est décisive. Mais un suicide prématuré, peut-être "encouragé" par les autorités britanniques, son homosexualité, l'ont plongé un temps dans l'anonymat de l'histoire.

 

Alan Mathison Türing est né le 23 juin 1912 à Londres. Son père est collecteur d'impôts aux Indes, sa mère, qui est rentrée en Angleterre pour accoucher, part le rejoindre en 1913, laissant le petit Türing, alors âgé de 15 mois, aller de tuteurs en pensionnat durant toute son enfance. Türing n'est pas un élève très brillant. Ses professeurs le décrivent comme brouillon, inattentif. A l'âge de 15 ans, il rencontre Christopher Morton, interne comme lui, avec lequel il partage la même passion des sciences. Mais Christopher décède en février 1930, laissant Türing désemparé, mais habité d'une grande motivation pour réussir les brillantes études auxquelles était promis son ami.

 

C'est ainsi qu'il réussit en 1931 l'examen d'entrée au très sélectif King's College de Cambridge. Outre au sport, qu'il pratique à haut niveau, Türing s'intéresse aux travaux de mécanique quantique de John Von Neumann, ce qui l'amène à étudier les probabilités et la logique. En 1935, il met au point le concept d'une machine universelle, qui formalise la notion de problème résoluble par un algorithme. Cette machine de Türing est capable de calculer tout ce qu'un processus algorithmique est capable de faire. Par essence même, les ordinateurs modernes sont des réalisations concrètes des machines de Türing.

 

En 1936, Türing part faire son doctorat à Princeton (Etats-Unis). Assistant à la montée du nazisme, il se rapproche des milieux pacifistes, sans pour autant fréquenter les marxistes. De retour en Angleterre en 1938, il est enrôlé par l'armée anglaise sitôt la guerre commencée. Attardons-nous quelque peu sur cette période. L'armée allemande remporte au début de la Seconde Guerre Mondiale de nombreuses victoires dans les mers. Une des clés de ces victoires est la machine Enigma, une machine à coder électro-magnétique, qui permet à l'état major allemand de transmettre à ses sous-marins des messages indéchiffrables par les services secrets alliés. L'armée britannique réunit alors, dans un lieu tenu secret, 10.000 personnes, essentiellement des "petites mains" - c'est-à-dire des secrétaires chargées des tâches rébarbatives - mais aussi des chercheurs des joueurs d'échecs, etc... afin de tout faire pour comprendre le mécanisme de la machine Enigma. Avec un autre mathématicien, Welchman, Türing est à la pointe de ces travaux de recherche, et avant la fin de la guerre, il conçoit une machine électronique, le Kolossus, qui permet de décrypter tous les messages allemands.

 

Après la guerre, Türing travaille à l'institut de Physique de Grande-Bretagne à la conception des premiers ordinateurs. Il s'intéresse aussi à la biologie, et particulièrement aux connexions neuronales, avec en toile de fond la question : pourquoi les machines, si douées pour effectuer des calculs rébarbatifs à l'homme, sont-elles si gênées pour simuler les actions les plus naturelles de l'être humain (marcher, prendre un verre...).

 

Le 7 juin 1954, il croque une pomme qu'il a préalablement trempée dans une solution de cyanure, et il est retrouvé mort le lendemain, l'écume aux lèvres. Ce geste lui aurait été inspiré par Blanche Neige et les 7 Nains, où dans une scène la méchante sorcière trempe une pomme dans le bouillon empoisonné. Certains disent aussi que le logo d'Apple, une petite pomme croquée, serait un clin d'œil au destin tragique de Türing.